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DOSSIER / MODE AFRICAINE ET TENDANCES ACTUELLES – Le made in Africa séduit!

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‘’Mode ethnique’’ ou ‘’ Mode africaine’’, disent les spécialistes occidentaux. Mais toujours est-il que ces 10 dernières années, le ‘’made in Africa’’ influe sur le cours de l’esthétique vestimentaire mondiale. Des stars américaines comme Chris Brown et Beyoncé aux nobles enseignes européennes telles Dior et Zara, chacune a usé, pour peu soit-il, de la mode africaine pour séduire. Décryptage !

Marrakech, 29 avril 2019. La collection de l’emblématique Maison Christian Dior dénommée ‘’Croisière 2020’’, est présentée en grande première dans un vieux château de la ville marocaine devant de nombreux journalistes venus du monde entier. Ce qui paraissait banal pour une maison de couture, aussi célèbre soit-elle, fait l’effet d’une bombe. C’est que Dior, l’une des enseignes, détentrice du chic à la française, a utilisé comme base de sa collection, le wax. Ce n’était pas la première fois qu’un grand label occidental s’approprie le pagne imprimé pour réaliser ses créations. Mais cette fois-ci, il y avait beaucoup de surprises qui entouraient la présentation de Dior.

Sur la lisière du tissu, il était mentionné ‘’Uniwax Special Edition Christian Dior-Guaranteed Real Wax Printed in Côte d’Ivoire’’.

Oui, le pagne de la collection ‘’Croisière 2020’’ de Christian Dior était fabriqué dans l’usine Uniwax d’Abidjan en Côte d’Ivoire. La cerise sur le gâteau de ce défilé, était la présentation d’une chemise Pathé’O sur laquelle est imprimé le portrait de Nelson Mandela, le charismatique héros de la lutte anti-Apartheid. Bien avant Christian Dior, de grandes marques comme Jean-Paul Gaultier, Burberry, Stella McCartney et Yohji Yamamoto avaient déjà fait un clin d’œil à des matières africaines dans leurs collections.

L’idée de Dior d’utiliser le pagne imprimé dans une collection entière n’était donc pas un cas isolé ni un fait de hasard. Ces dernières années, de nombreux créateurs de renommée mondiale ont usé du pagne Wax ou l’ont associé à des pièces de leurs collections. Cela s’explique par le fait que le wax représente le plus l’influence à l’africaine sur la mode mondiale.

Tout est parti en 2011 avec Burberry qui en a fait une collection. S’en est suivi un bon nombre de labels de luxe qui ont réalisé des vêtements chics et urbains à base du wax. On peut citer pèle mêle la Maison Château Rouge avec son style traditionnel et urbain, Lady Hood dont les créatrices Laura et Sylvia Taty créent des habits en wax faits main, Tila March qui collabore avec la Compagnie du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest(CSAO) pour réaliser des tenues basées sur les imprimés traditionnels autours des valeurs éthiques et dont les bénéfices sont reversés à une association qui soutient les femmes et les enfants du Sénégal, et Nash Prints It. En partant des chemises imprimées, Nafi et sa fille Shade (initiatrices de Nash Prints It) montent une garde-robe complète autour du Wax.

La bonne nouvelle, c’est que la mère et la fille confectionnent leurs collections au Bénin pour disent-elles « contribuer au développement des métiers du textile en Afrique de l’Ouest. » Même les célèbres marques agnès b. et Zara ont succombé à la tentation du wax. A côté des habits, les maroquiniers et les accessoiristes portent le plus souvent des morceaux d’étoffe dans leurs créations. C’est ethnique mais ça fait chic, classe et beau ! La marque Indira de Paris s’est d’ailleurs spécialisée dans fabrication de turbans à la main dans son atelier parisien. Son invention permet de nouer le foulard en pagne d’une manière plus up today. Il y a également BlackHats Paris, un autre label de la capitale française qui fabrique des sacs pour Hommes et Femmes, confectionnés à partir d’un savant mariage entre le wax acheté au Bénin et le cuir français. Une partie des bénéfices de BlackHats Paris sert aussi à scolariser des enfants au Bénin.

Dans leur désir d’Afrique, certains labels trouvent des astuces plus ou moins intéressants pour toucher un nouveau public. C’est le cas notamment de Daniel Hechter avec son slogan emblématique ‘’We Wax the World’’. La marque s’est lancée dans la dernière décennie dans la production et le commerce du wax et des bazins riches. En plus du pagne imprimé, l’autre étoffe dite africaine et dont raffolent les grandes enseignes est le bazin. De nombreux créateurs occidentaux s’en servent pour monter des tenues ethniques mais avec un tantinet fashion dans leurs collections. Sur le marché du pagne, ce sont le néerlandais Vlisco, pour le wax, et l’autrichien Getzner, pour le bazin, qui dominent le secteur. Mais de plus en plus, l’ivoirien Uniwax propose des pagnes qui intéressent beaucoup de monde.

L’influence du pagne imprimé sur la mode est aussi portée par des designers africains qui sillonnent la planète. Basée au Ghana, la Nigériane Titi Ademola ne rechigne pas les couleurs vives qu’elle colle à sa griffe Kiki Clothing mais taillée dans des coupes modernes. « C’est merveilleux d’utiliser ces imprimés magnifiques qui sont à notre disposition, mais la mode africaine est plus grande que cela », dit-elle. La griffe ‘’Mille Collines’’ de deux créateurs espagnols installés à Kigali au Rwanda, s’arrose de son africanité avec des finitions embellies de motifs africains brodés à la main. « Nous faisons les choses à l’envers, vu que nous sommes des designers européens basés en Afrique, et qui créent pour l’Afrique », explique Ines Cuatrecasas Barcelo, cofondatrice de la marque rwandaise. « Les gens pensent que la femme africaine vient de son village. Oui… mais il y a une nouvelle femme africaine », renchérit son collègue Marc Oliver.

A Londres, les créations de la Congolaise Tina Lobondi se démarquent par la bonne combinaison entre des imprimés africains, du cuir de luxe et d’autres tissus. « Je suis une créatrice d’origine africaine qui apporte un peu de ma culture dans mes dessins, mais je ne veux pas que mes vêtements soient étiquetés ‘’mode africaine’’, parce que pour moi, ce mot ne veut rien dire », martèle Tina Lobondi. Les organisateurs d’évènements de mode en Europe sont aussi d’excellents ambassadeurs des valeurs africaines dans la mode. Par exemple, avec le défilé Black Fashion Week de Paris, sa promotrice franco-sénégalaise Adama Paris, met en lumière la diversité et la richesse du made in Africa.

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