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INTERVIEW/ Angybell: «J’étais dans la mode et j’avais l’impression que je n’avançais pas»

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Angybell est une célèbre créatrice ivoirienne. Doyenne, elle a aussi été longtemps l’un des porte-étendards de la couture africaine. A 75 ans, Angybell est toujours dans la mode mais avec une reconnaissance particulière à Jésus-Christ. Elle dévoile ses nouveaux codes de la vie.

Explications !


Quelle est votre nouvelle vie aujourd’hui ?

Ma nouvelle vie ? C’est toujours la mode mais avec Dieu d’abord. Aujourd’hui, je ne peux rien faire sans donner la première place à Dieu. Avant, quand je me réveillais, je commençais à aller de gauche à droite. Aujourd’hui, je me pose beaucoup de questions : je me suis réveillée par rapport à quoi ? Qui m’a réveillée ? Qui a permis que je sois en vie ? C’est comme ça que je me souviens de Dieu c’est-à-dire qu’Il est le premier par ordre d’importance. Je m’intéresse à Dieu d’abord, la mode et tout le reste viennent après.

C’est ce qui a fait que pendant quatre années, vous êtes allée apprendre la liturgie ?
En fait, j’ai pris quatre années pour aller connaitre Dieu à l’école ‘’Porteurs de Vie’’ de l’église ‘’Vases d’Honneur’’ du Pasteur Mohamed Sanogo. Mais, ce qu’on nous apprend pendant ces années, c’est la bonne attitude, c’est travailler notre caractère. Prenons par exemple le cas d’une femme qui va toujours à l’église, quand il y a une réunion, elle est là-bas… Mais, quand son mari lui parle, elle commence à ronchonner. Or après Dieu, c’est le mari. Après le mari, ce sont les enfants. Ton mari et toi, Dieu vous a faits une seule chair. Quand tu as négligé une partie de ta chair, tu as perdu quelque chose. Du coup, il disparaît.
Quels ont été vos réelles motivations de retourner à la recherche de Dieu à l’orée de votre 4ème âge ?
J’étais dans la mode et j’avais l’impression que je n’avançais pas. Angybell est quand même un nom connu en Afrique, en Europe, aux Amériques et même au-delà…
J’avais l’impression que je n’avançais pas parce que j’avais à cœur de voir tout le monde évoluer. J’étais l’une des rares personnes qui prenait sa voiture pour aller dans le pays profond et voir comment vivaient les gens qui nous fournissaient les matériaux comme la teinture, le pagne tissé… Qu’est-ce qu’on pouvait leur apporter de par notre renommée ? Je suis allée à Sipilou à la frontière guinéenne, à Waraniéné, Korhogo, Bouaké, Bomizambo, Yamoussoukro… Quand j’ai vu leurs conditions de vie alors que nous nous pavanons à Abidjan avec leurs produits, je me suis dit qu’il y a quelque chose à faire. Leurs produits sont repris par les sociétés industrialisées. Si de par notre renommée, on peut les aider à aller de l’avant, allons-y ! C’est ce que j’avais déjà fait pour le raphia. Cette matière existait bien avant moi. Ce n’est pas moi qui l’ai créée. J’avais seulement voulu y apporter une plus-value aux revenus de ces gens qui me fournissaient le raphia. Après d’autres personnes sont entrées dedans. C’était une bonne chose. Quand des gens essaient de reprendre ce que l’on fait, c’est que c’est une bonne chose. Ce n’est pas la peine de faire des jalousies bêtes-bêtes. Ensuite, pour les pagnes baoulé, il y a pagne ‘’Ngoli’’ que tout le monde connait. Ça coûtait 6.000 FCFA à l’époque. A force de faire sa promotion, il coûte 18.000 FCFA aujourd’hui. Mes collègues peuvent témoigner. Il est de nos jours apprécié par tout le monde. Quand on voit les conditions de vie de nos concitoyens, on est interpelé. Il ne suffit pas de faire des discours, il faut poser des actes. Comment poser des actes ? Comment Dieu peut faire sortir mes concitoyens de leurs conditions difficiles ? C’est ce qui m’a ramenée à l’église. Si j’avais commencé par-là, tous ces gens-là, je les aurais ramenés à Dieu et ils auraient trouvé leur salut. Quand on aime son prochain, c’est là que Dieu nous rappelle pourquoi, il nous a créé.

Aujourd’hui, c’est quoi votre qualification après quatre ans passés à l’école ‘’ Porteurs de Vie’’ ?
On a une attestation, une graduation ou un diplôme de fin d’école et on est reconnu comme quelqu’un qui a reçu une certaine formation. Mais, ce n’est pas la reconnaissance qui compte. Ce qui compte, c’est de quelle manière, on te voit. Est-ce que ta façon d’être avec ton prochain a changé ? Est-ce que tu pardonnes plus facilement ? Est-ce que tu es plus patient ? Est-ce que ton attitude a changé ? Est-ce que tu es encore dans les rivalités ? Est-ce que tu comprends qu’on peut être dans le même monde et aller ensemble ? Est-ce que tu peux partager ce que tu as avec ton prochain ? Ta mentalité, ton attitude et ton caractère doivent changer. Tu as voulu X et c’est Y qui est venu, alors tu passes ton temps à critiquer Y. au lieu de prier pour lui. Il faut suivre Dieu. Ne combat pas la décision de Dieu. Dieu nous demande d’honorer les autorités. On ne nous demande pas d’être leur ami. Tout cela, il faut aller l’apprendre. Si on passe notre temps à critiquer, cela bloque notre destinée.

Avez-vous fait l’expérience ?
Oui, Dieu est réel! Sans avoir défilé pendant cinq ans, je suis heureuse de constater que je suis aussi connue, aimée. C’est Dieu qui fait qu’on se souvienne toi. Depuis que j’ai compris cela, je me sens légère. Avant, je criais sur mes servantes, les tailleurs… Aujourd’hui, je ne peux pas le faire. Même si je veux le faire, je n’y arriverai pas. A la place de la réprimande, je mets l’amour, la vie. C’est en considérant la servante qui travaille avec toi qu’elle va être transformée en ce que tu veux. Et elle a envie toujours d’être avec toi. Avant, je les traitais comme des mendiantes, des malpropres. Si je n’étais pas partie à cette école-là, je n’allais pas changer d’attitude. Il faut honorer dans ta vie celui qui t’a une fois fait du bien.

Avant que vous n’alliez à cette école, vous ne faisiez déjà pas de différence entre vos enfants et ceux qui vivaient chez vous ?
C’est vrai que je reconnais que Dieu avait déjà mis cela en moi. J’aime l’autre, j’aime mon prochain. Ma maison était toujours remplie d’enfants et les gens se demandaient combien d’enfants, j’avais. Personne n’a jamais su que ce n’était pas mes propres gosses. Jamais ! Tout le monde s’habillait de la même façon et mangeait le même plat à la même table. Je me dis que c’est ce qui fait que je vis encore car je suis tombée plusieurs fois gravement malade. Mais, j’ai toujours réussi à me relever. La récompense de Dieu n’est pas seulement financière. Il faut que les gens comprennent aussi cela. La santé est une grande récompense. La joie qu’on peut manifester est une grande récompense. C’est Dieu qui met la joie dans le cœur des gens qui nous apprécient. Comme j’avais un peu de toute cette reconnaissance en Dieu en moi, ça a été facile pour moi à l’école. Mais, ce n’est pas toujours évident. On peut le faire une fois et après, on ne le fait plus. Quand on prend quatre ans pour changer de comportement et être reconnaissant à son prochain, on brise son caractère. On est obligé de faire comme recommandé par la sagesse. Et si on refuse de le faire, on ne passe pas.

Quelle est l’actualité de la maison Angybell ?
La griffe est toujours là. Nous sommes en train de préparer une nouvelle collection avec l’esprit de Dieu bien sûr. Je suis sur la collection masculine et après je passe à la déclinaison féminine. Elle est faite de coton. On trouve aussi toujours chez Angybell, des vêtements à base de matières recyclées.
En février dernier, le ministère de la Culture vous élevée au rang d’Officier de l’ordre du mérite culturel ivoirien.

Quel est votre sentiment sur cette reconnaissance ?
Ça nous fait plaisir toujours. Quand on fait quelque, on ne sait pas si les gens l’apprécient ou pas. Que les gens reconnaissent ce qu’on a fait, on est forcément heureux. Moi, je suis tellement contente parce que ce n’est pas la couture qu’on honore mais plutôt ce que j’ai pu apporter à l’humanité.

Officier des douanes à la retraite et styliste reconnu, vous mettez toujours la main à la pâte. D’où vous vient cette énergie de toujours travailler à 75 ans?
C’est ce qu’on appelle chez nous les chrétiens, Jésus. Ceux qui ne sont pas chrétiens disent Dieu. Il n’y a que l’être suprême qui peut me donner cette force-là. Et le secret, c’est l’amour. Quand on aime, on n’a pas de fardeau. C’est la haine qui est le fardeau. C’est elle qui tue car c’est elle qui envoie la maladie. Quand on aime, il y a une lumière qu’on appelle le Saint-Esprit qui nous guide.

Et votre santé ?
Depuis que j’ai mis Dieu au centre de mes préoccupations, je pense que je ne suis pas malade et ça va.
Par Waly Do

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