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Le textile comme fil rouge entre Prangins et l’Afrique

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Le Musée national suisse de Prangins échange son savoir sur les indiennes avec un spécialiste des tissus africains.

De sa valise, il a sorti une pile de bouquins inconnus en Suisse sur l’Afrique de l’Ouest, la traite des esclaves ou encore les textiles, l’une de ses spécialités. Mohamadou Moustapha Dieye a débarqué il y a une semaine au Musée national suisse de Prangins pour un séjour d’études d’une quinzaine de jours. Historien, titulaire d’un master en gestion du patrimoine, ce jeune Sénégalais de 31 ans travaille au Musée Théodore Monod d’art africain, à Dakar. Sélectionné à la suite d’un appel à candidatures lancé dans le cadre d’un projet pilote du Conseil international des musées (ICOM) et de son antenne suisse, il suit un programme qui lui permettra de rencontrer des spécialistes de musées et de participer à divers travaux.

«Il ne s’agit pas d’un stage, mais d’un échange de compétences dont le fil rouge est le textile», explique Helen Bieri Thomson, directrice du château de Prangins. «Nous sommes en train de monter une exposition permanente sur les indiennes, ces tissus de coton imprimé qui ont servi de monnaie d’échange contre des esclaves dans le contexte du commerce triangulaire des XVIIe et XVIIIe siècles, et dont le Sénégal était l’une des plaques tournantes. De son côté, M. Dieye est spécialisé dans la conservation préventive des tissus africains, dont son musée comprend une importante collection.»

«Pour moi, c’est une occasion d’approfondir mes compétences quant à l’organisation d’expositions, d’apprendre de nouvelles techniques de conservation et de tisser des liens avec des professionnels suisses», explique l’historien, qui vient pour la première fois en Europe. Hébergé dans l’ancienne conciergerie du château, il avoue avoir été frappé, dès les premiers jours passés à Prangins, par l’organisation, le calme et surtout l’omniprésence de la verdure. «Chez nous, dans les villes, l’urbanisation détruit tout. Je m’aperçois que la Suisse, qu’on voit si grande en Afrique, est un tout petit pays, qui n’a pas de ressources, mais qui est très bien organisé. Avec en sus, un président qui n’a pas le temps de se prendre pour un roi», sourit le Sénégalais. Ce dernier participera à la conception d’un module de la future exposition sur les indiennes et visitera plusieurs musées suisses, dont le centre des collections du Musée national de Zurich, sans compter un petit tour à Chillon, à la Fête des Vignerons et au Paléo!

Histoires parallèles

Le textile est une vieille histoire, en Afrique, puisqu’on tisse depuis le XIIe siècle. Aujourd’hui, dans l’imaginaire de l’Occidental, le tissu africain est presque forcément un wax ou un batik, très coloré, avec des motifs géométriques, des fleurs ou des animaux. «Mais cela vient d’une influence occidentale amenée d’Indonésie par les Hollandais, car les couleurs traditionnelles portées par les tribus sont d’habitude le blanc, le bleu, le noir, des couleurs sacrées qui ont aussi des fonctions pratiques de protection contre la chaleur», précise Mohamadou Moustapha Dieye.

Au musée de Dakar, qui expose aussi bien des masques des Diolas de Casamance que des statuettes des Bambaras du Mali, les objets sont présentés dans des scènes de la vie traditionnelle de toute l’Afrique de l’Ouest. «C’est l’une des plus grandes collections d’Afrique, car elle remonte à l’époque coloniale. C’est Théodore Monod, premier directeur du musée dès 1931, qui en a constitué une bonne partie», explique le jeune historien. Quant aux tissus anciens, ils vont de l’indigo au bogolan malien (toile de coton teintée en marron avec des décoctions de feuilles, d’écorce et de boue fermentée), sans oublier des tissus industriels produits au XIXe siècle dans les manufactures nées lors des échanges avec l’Europe et l’Asie. Des trésors que M. Dieye avait présentés dans une exposition il y a deux ans en parallèle à des créations contemporaines. À Prangins, le jeune historien a été séduit par la médiation culturelle et les technologies audiovisuelles. «Chez nous, les visiteurs sont encore pris en charge par des guides», note celui qui aura l’occasion d’apprendre les techniques de restauration des textiles cet automne en Italie.

 

Source: 24Heures.ch

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