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[DESIGNER] Interview avec Pacy KADIO-MOROKRO de la marque Yalerri

Temps de lecture: 7 minutes

Pacy KADIO-MOROKRO est née à Abidjan et a vécu dans plusieurs pays d’Afrique de l‘ouest dont le Bénin, le Nigéria et la Côte
d’Ivoire.

Ces voyages ont beaucoup influencé sa conception esthétique. Fière de son identité africaine, elle décide de créer une marque qui lui ressemble. L’entreprenariat, dans ce domaine qui la passionne, prend le dessus sur la carrière de juriste d’entreprise qu’elle entamait.
Elle lance, d’ailleurs, un espace de coworking dans le domaine de la production textile en 2020.

Les Ateliers BINKADI. Pacy KADIO-MOROKRO Yalerri est une marque de prêt-à-porter ivoirienne alliant modernité et tradition. Elle a été créée en 2005 à Abidjan – Côte d’Ivoire. Yalerri, qui veut dire « ce que l’on met sur soi » en langue Sénoufo, veut mettre le textile africain à l’honneur.

Elle a acceptée de nous en dire un peu plus dans cette interview.

1) pour ceux qui ne te connaissent pas, comment te décrirais-tu ?

Je suis Pacy KADIO-MOROKRO, entrepreneure dans le domaine de la production textile et fondatrice de la marque de prêt-à-porter YALERRI.
J’ai une deuxième activité dans un autre domaine qui me passionne, l’organisation d’évènements privés et professionnels avec SERAYA (Créatrices de souvenirs).

Je suis une « mampreneure » (contraction de Maman et Entrepreneure) : j’ai 4 filles de 4 ans et demi, 9, 10 et 12 ans. J’organise mon emploi du temps afin de concilier au mieux mon activité professionnelle et ma vie familiale.
J’adore le design, la cuisine et les voyages.

2) Parles nous de ton enfance et de ton parcours scolaire ?

J’ai eu une enfance très heureuse et épanouie, faite de rencontres de différentes cultures, de nombreux voyages.
J’aimais bien m’habiller et je ne manquais pas de créativité dans mes jeux et dans mes dessins (je trouve tellement dommage que les enfants de maintenant soient drogués aux écrans, et je pèse mes mots).
J’ai eu une scolarité classique sans problème particulier.

3) Où as-tu grandi et où vis tu aujourd’hui ?

Je suis née à Abidjan mais je n’y ai vécu qu’à l’âge de 10 ans, après avoir suivie mes parents, en expatriation pendant plusieurs années ; entre ma naîssance et mes dix ans j’ai vécu au Burkina Faso (1 an), au Ghana (1 an), au Mali (1 an), en Mauritanie (1 an), au Bénin (5 ans), au Nigéria (1 an), 7 ans en Côte d’ivoire, puis 7 ans en France.
Je suis rentrée définitivement en Côte d’Ivoire en 2005.

4) Le métier que tu exerces aujourd’hui a-t-il un rapport avec ta formation initiale ?

Pas du tout! J’ai fait des études de droit, juriste d’entreprise, spécialisée dans les assurances.
Par contre, mes études m’ont permis d’acquérir une rigueur dans le travail et de comprendre l’importance du formalisme.

5) Parles nous de Yalerri, ta marque. Pourquoi ce nom ? Quelle est la petite histoire ?

Yalerri est née en 2005, oui déjà bientôt 15 ans. Je cherchais un nom qui sonnait bien en Sénoufo, et je donnais plusieurs mots à mon Père et à mon neveu et de fil en aiguille, ce dernier a proposé « Yalerri » qui signifie vêtement en Sénoufo.

Rentrée en Côte d’Ivoire, j’ai décidée de me faire coudre quelques tenues avec des touches de pagne tissé et de pagne pour aller au travail.
J’ai toujours dessiné mes vêtements, j’ai fait faire quelques robes et des hauts en jersey en y ajoutant des bandes de pagne tissé.
J’ai commencée à les proposer à mon entourage et voilà!
Je suis devenue entrepreneure à temps plein en 2010.

6) Comment décrirais-tu tes créations?

Modernes, simples et confortables.

7) D’où tires tu ton inspiration et quelles sont les matières que tu aimes travailler généralement?

Pour ma part, je pense que c’est Dieu qui m’a donné ce talent, Il me guide et me donne cette inspiration qu’on ne saurait expliquer parfois.

Honnêtement, je n’ai pas vraiment un processus de création, je ne suis pas particulièrement les fashion weeks, j’aime toucher les tissus, j’aime regarder les pagnes. J’aime prendre le temps de réfléchir avec mes échantillons de tissus, j’en ai toujours avec moi!
Parfois, l’inspiration viendra du pagne, d’autre fois un croquis m’inspirera plusieurs modèles.

8) Parles-nous de ta toute première collection et de ton premier défilé. C’était en quelle année et à quelle occasion?

J’ai créée ma première collection en terminale pour la fête de fin d’année de ma promotion. En 1997, je suis allée voir UNIWAX qui nous a donné les pagnes. J’ai donc dessinée une collection que nous avons fait défilée, je faisais d’ailleurs partie des mannequins !
Quel challenge! Je n’avais aucune idée, à ce moment-là, que ce serait mon travail 20 ans plus tard.

9) Quelles sont les couleurs que tu aimes aborder généralement dans tes créations?

Mes couleurs préférées sont le jaune orangé et le rouge orangé, je ne manque pas de les utiliser dès que l’occasion se présente! On retrouve également beaucoup de blue jean, de noir et de bleu marine.
J’utilise beaucoup de pagnes colorés mais j’aime également la sobriété des pagnes plus sombres.

10) Qu’est ce qui fait la particularité des designs que tu crées et ou peut-on trouver Yalerri ?

Yalerri est une marque de prêt-à-porter qui propose des articles ayant une coupe moderne, avec une touche de tissés et de pagne.

Yalerri offre, néanmoins, certaines pièces fortes tout en pagne tissé ou en pagne. Je ne me limite pas à l’aspect créatif mais je choisis mes tissus avec beaucoup de soin, la qualité est un impératif, de plus le contrôle qualité est une étape très importante, les finitions doivent sans cesse être améliorées.
Nos clients nous félicitent régulièrement à ce sujet et nous les en remercions.
Nous nous engageons à rester constamment dans la recherche de cette excellence.

La boutique Yalerri est située à la Rue des Jardins aux 2 Plateaux.
Nous travaillons également avec plusieurs revendeurs à Abidjan et un à Dakar.

11) Quel est ou quel a été ton plus gros défi en tant que designer?

Je pense que mon plus gros défi est de hisser ma marque de prêt-à-porter à un niveau qui n’envierait rien aux marques de prêt-à-porter de créateurs indépendants dans les grandes capitales du monde.
Il est aussi très important pour moi que mon entreprise soit pérenne et puisse me survivre.

12) Quel est ton plus grand rêve en tant qu’artiste ?

Mon rêve serait de voir le potentiel du design africain reconnu par nous-mêmes les Africains.
Reconnu comme un secteur qui peut être pourvoyeur d’emplois et facteur de développement.

Partant de ce constat, que l’on se donne les moyens de nous mettre au niveau de formation qui nous permettrait d’être vendus sur tous les marchés du monde, en commençant par notre propre marché.
Le talent ne suffit pas toujours, une formation qualifiante en plus peut faire toute la différence.

13) Quels sont tes projets futurs ?

Je souhaite voir les acquis de Yalerri se consolider et pouvoir continuer sur ma lancée. En tant qu’entrepreneur, nous sommes souvent tentés de nous renouvelés dans de nouveaux projets ;
Je viens de créer un espace collaboratif dans le domaine de la production textile : les ateliers BINKADI, qui s’apprêtent à accueillir des confrères d’ici peu.
Je travaille également sur plusieurs projets liant mon activité à une action sociale.

14) Peux-tu nous citer quelques personnes qui t’inspirent au quotidien ?

Mon mari est une grande source d’inspiration car il incarne «la sagesse et la force tranquille ». Il donne l’exemple par sa rigueur et la régularité dans son travail.
Il y a de nombreuses personnes entrepreneurs autour de moi qui me donnent la force de continuer.
Je souhaite également rendre hommage à ces personnes qui se lèvent tous les jours pour se battre et gagner de quoi nourrir leur famille, en particulier les femmes qui sous le soleil, sous la pluie, avec leur bébé au dos, marchent des kilomètres…
Un exemple de bravoure de ces femmes, qui me stimule, plus palpable, est une ancienne employée, Chantale, qui remuerait ciel et terre pour que ses enfants aient un meilleur avenir. Son histoire m’a profondément motivé à réussir.
Nelson MANDELA, qui pour moi est presqu’un saint par la manière dont il a mené le combat de sa vie.
J’ai récemment découvert l’exemple de Funmilayo RANSOME KUTI (1900-1978), femme politique nigériane et militante pour le droit des femmes.

Il y a des personnes, comme ça, qui vous montrent, que s’ils ont réussi dans des combats tellement difficiles, ce ne sont pas nos petits challenges qui doivent nous faire baisser les bras.

15) Ton conseil à l’endroit de la jeunesse et à tous nos lecteurs.

Je voudrais partager avec eux l’importance de se former (formation académique et par l’apprentissage), le goût de l’effort, du travail bien fait, bannir la satisfaction de l’à-peu près et viser l’excellence.
Acceptez d’apprendre de ses échecs avec humilité et se relever, toujours en mettant Dieu au-devant de toute chose.

Nel Soro

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